Auteur : Foetus
Chapitre : Hum je sais pas encore combien
y en aura, peut être trois, voire quatre tout au plus…
Genre : Ça prendra sûrement
l’allure d’un yaoi soft sur les débuts, mais me connaissant
il est bien possible que ça dérive « moins soft »
Couple : Bah, vous le saurez bien assez tôt ^^
Disclaimer :
Est-il bien utile de préciser
que bien évidemment ces personnages et ces lieux ne m’appartiennent
pas mais qu’ils sont l’œuvre de la génialissime
JKR ?Ça ne sera pas tombé dans l’oreille d’un
sourd…
Note : Voilà le premier chapitre… Heu
un peu plus vivant et un peu moins mort (ha ha quel humour j’ai, c’est
désolant…)… Je vous laisse juger par vous même !
^_~
Chapitre 1:Cerise et mal viscéral
Peut-être que… Peut être que si je reste très longtemps
assis sans bouger la poussière va me recouvrir et ils vont tous s’en
aller… S’en aller et finir par oublier que j’existe… Ou
bien peut être que si je me lève et quitte la pièce,
leur attitude ne laissera transparaître aucun indice qu s’apparenterait à une
infime envie de me retenir…
Je disparais, je coule, j’ai mal, je hurle…Et mon faciès
impassible s’endurcit à la simple évocation de tous ses
sentiments… Abjects sentiments qui remontent à la surface de
ma mémoire comme des cadavres que l’on aurait voulu dissimulé… Je
dois les contenir pour ne pas qu’ils sautent au visage de mes précieux
amis…
Leur sauter au visage oui, s’y agripper violemment et pondre la contagion
de mon désir morbide dans leur gorge chaudes et palpitantes de bonheur
gracile…Et moi les regarder, toujours comme un pantin disloqué,
ne pas réagir… Juste attendre patiemment la fin… Et après
?
Harry, Harry, Harry… Sombre petit garçon tourmenté…Tu
es si froid dans tes mots… Pourquoi cacher l’évidente
vérité ? L’envie latente et croissante, l’envie
limpide de lâcher comme une meute de chacals affamés tes phrases
glaciales et assassines, tes reproches désespérément
creux et douloureux… Mots minutieusement confectionnés à l’abris
de leur nauséeuse naïveté… Leur enfoncer loin dans
la poitrine l’épée aiguisée de ta douleur indomptée…
Merlin… que m’arrive-t-il ? Je ne veux pas leur faire de mal… C’est
tellement décousu et inepte cette idée sadique de vomir la
dépouille avariée de ma haine sur l’innocence de leur
insouciance… Pardonnez-moi… Je veux juste que vous me voyiez
un peu, j’accroche irrémédiablement mon regard perdu à chacun
de vos gestes que je voudrais pour moi… Mais ils glissent sur vos corps
comme le courant d’air du jardin d’hiver… Pas un regard,
pas un mot depuis… ça.
- Non ! Les ASPICS sont l’année prochaine !
- Le travail Hermione, soupira Dean qui passait derrière elle alors
qu’elle agitait vivement les bras pour appuyer le poids de ses mots,
tu n’as que ce mot à la bouche ! On a pas encore commencé les
cours que tu nous rabâches déjà les oreilles avec les
examens de l’année prochaine !
- Je me rappelle pas t’avoir inclus dans la conversation, coupa la
jeune femme piquée au vif par la fainéantise prématurée
qu’elle percevait déjà dans le soupir de son camarade.
- Ouais… Ben encore heureux que tu ne joues pas les figures maternelles
avec moi comme tu t’y appliques si assidûment avec ces pauvres
Ron Et Harry…
Elle ouvrit la bouche dans l’espoir de sentir se former sous sa langue
le genre de dards cinglants que chérissait Malefoy. Elle aurait vraiment
souhaité que Merlin choisisse un autre moment pour l’arracher à sa
bonne étoile "répliques arrogantes"… En dépit
des apparences, il fallait tout bonnement l’admettre : Elle était
nulle lorsqu’il fallait être gratuitement blessante, et en plus
elle était vexée.
- Bon ça va, maintenant ta gueule Dean…, trancha une voix grave.
Hermione songea que cette tonalité lui était familière.
C’était un timbre chargé avec une singulière note
qui faisait traîner la voix en longueur de telle sorte qu’elle
résonne longtemps dans l’air.
C’était Lee, Lee Jordan, et l’athlète n’avait
rien perdu de ses entraînement de Quiditch malgré les vacances.
Dean obtempéra. On ne discutait raisonnablement pas avec dix kilos
de masse musculaire de plus que soi. Il se contenta de marmonner dans sa
barbe pour faire bonne figure. Du moins… Faute de mieux, il tenta de
se donner contenance en baragouinant dans son duvet d’adolescent pré pubère.
Lee fit habilement voltiger une pomme d’un vert éclatant qu’il
avait dans la main droite, et la rattrapa dans son dos avec l’autre
main en lançant un clin d’œil innocemment complice à Hermione.
Le visage de cette dernière se teinta progressivement d’un adorable
rose, comme une goutte d’aquarelle qui s’étend sur l’épais
papier à dessin qui l’absorbe.
Ron qui s’était tut jusque là se racla bruyamment le
fond de la gorge…
- Hem ! Il est tard ‘mione… Je pense qu’Harry et moi ferions
mieux d’aller dormir maintenant…
Elle jeta un furtif coup d’œil à la grosse horloge de bronze
au dessus de la cheminée, et conclut en baillant et en se frottant
faiblement la nuque :
- Judicieuse réflexion… Je pense que je vous ai fait revoir
tous les points les plus importants pour être prêts face à la
rentrée imminente de toute façon !
C’était une blague à la Hermione… Ron sourit avec
indulgence, Harry ne se donna même pas cette peine, absorbé qu’il était
par l’enivrant et hasardeux ballet des flammes dans l’âtre.
Les lourds reflets oranges du feu caressaient ses lunettes et il savourait
ses mains qui restaient gelées même si proches…Comme si
le feu les glaçait…
Il y eut un court silence, puis Hermione fixa Ron et trouva le courage de
désigner imperceptiblement Harry dans un signe de tête entendu
en articulant muettement :
COMMENT VA-T-IL ?
Harry grinça des dents…
- Ne faites pas comme si je n’étais pas là ça
m’insupporte, soupira sa voix étrangement rauque et cassée
de si peu servir.
La culpabilité planta machinalement les incisives d’Hermione
dans sa lèvre inférieur, elle lui adressa un regard gêné qu’il
refusa d’encaisser.
L’inséparable trio vivait ses dernières heures. La tension
presque palpable qui s’émanait d’eux frôlait un
peu plus l’explosion à chaque minute écoulée.
C’est tout juste si Harry tolérait leur présence sans
ressentir ce grésillement pressant dans la pulpe de ses doigts, ce
picotement symptomatique qui lui chuchotait de les secouer violemment tous
les deux pour qu’ils redeviennent les amis qu’ils avaient accepté d’être
pour le meilleur et pour le pire…
Mais les traîtres... Les non-dits maladifs étaient toujours
plus lourds, plus grands, plus pesants, présents…
Ils ne voulaient pas savoir, Harry le sentait. L’amitié c’est
coruscant et irremplaçable, c’est merveilleux ! Mais garder
son innocence en fuyant certains mots qui menacent de vous charcuter plus
sûrement qu’un couteau de boucher c’est mieux… Se
faire salir par le mal émorfilé qu’il avait choisit de
vivre seul merci bien ! Qu’il continue d’assumer seul jusqu’au
bout !
A quel point ce qu’il avait vécu devait être indicible
pour que ses deux meilleurs amis rien qu’en plongeant leurs regard
dans le sien aient peur de l’entendre poser des mots sur… ça.
Eux qui avaient déjà tellement jouer avec les affres de la
terreur…
Désolés mais implacables, Ron et Hermione évitèrent
donc soigneusement son regard insupportablement vide, réfléchissant à toute
allure à une façon convenable de ne pas lui laisser d’ouverture
pour qu’il s’épanche sur leurs trop vulnérables épaules.
Harry sentit la bile lui broyer la gorge en remontant sournoisement… La
fuite était désormais tout ce qui lui restait… Il rassembla
mollement les livres, les parchemins qui lui appartenaient et jonchaient
la table basse sur laquelle ils s’étaient installés…
Il sortit de la salle sans un mot, sans un regard. Et même si il en
avait ressenti le besoin, où les aurait-il posés ? Une fois
dans l’ombre rassurante du couloir il se sentit légèrement
apaisé. Un agréable tournis lui chatouilla la conscience… Il
huma la fraîcheur moite et unique des murs du vieux château,
et plongea son regard dans le vide sous la rampe d’escalier… Il
monta les marche qui menaient au dortoir, une à une, avec une lenteur
extrême et qu’il s’appliquait à faire insupportablement
durer. Le regard toujours immergé dans le puit noir du néant
sous ses pieds, il laissa s’installer un peu plus à chaque marche
franchie le désir morbide de peut être en louper une pour aller
se briser la nuque un peu plus bas… Une mort nette, violente, presque
indolore… Un malheureux accident en somme. Il réprima un nouveau
spasme qui menaçait de le faire se vider de ses tripes, là,
sur le sol, lamentablement… Et la vague de douleur se précisa
d’avantage dans sa petite tête déformée…
Ces clivages, cette notoriété empoisonnée, ce destin… Ce
simple nom qui faisait toujours bien plus que de creuser un fossé de
préjugés entre les gens et lui… C’est comme si
cette cicatrice était une entrée pour la destruction de sa
vie… Malheureux et ironique hasard. Il ne comprenait plus très
bien à quoi avaient servi tous ses efforts, dans quoi de précis
toute cette rage avait été investie, cette souffrance qu’il
devait cacher… Sa tête lui faisait si mal, atrocement mal… Pourquoi était-ce à lui
cette fois encore de sauver les apparences ? Il ne se souvenait plus tout à coup
pourquoi il avait choisi jusqu’au bout d’être le héros
que tout le monde attendait qu’il soit… Maintenant qu’il
l’avait été, les gens chuchotaient étrangement
sur son passage. Il n’avait pas tout de suite compris, il les regardait
sans saisir. De quoi parlaient-ils ? Que c’était-il passé qu’il
n’avait pas appris ? Mais bien vite tombe, permanente et impossible à dissimuler,
la vérité. Les journaux lui confectionnaient sur mesure une
image de schizophrène désaxé… Certains torchons
racontant qu’il était enfermé dans une cellule spécialisée à Sainte
Mangouste… Ah bon ? Lui même n’était pas au courant…
Dès l’arrivée dans le grand hall quelques heures plus
tôt, il avait constaté que les nouveaux élèves
ne pouvait que le regarder passer, s’accolant maladivement au mur du
couloir comme pour se fondre dedans et laisser le plus de distance possible
entre eux et le "schizophrène désaxé". Leurs
yeux exorbités tremblaient d'affolement alors que ces jeunes imbéciles
se contentaient de laisser le chaud liquide humiliant glisser le long de
leur jambe de pantalon.
Harry ne comprenait pas. Jamais ne serait-ce qu’un seul sourire de
gratitude, ou même d’encouragement n’avait atteint ses
yeux hagards et fatigués d’attendre. Même après
tout ce qu’il avait vécu, jamais on n’avait plaint celui
qui était né pour ce jour et ne poursuivait désormais
plus rien, plus aucun but… En attendait-il trop ? Ce qu’il avait
fait était donc si évident et négligeable ? Toute cette
souffrance aurait donc été démesurément inutile
? Non, il ne croyait pas que ça puisse être le cas… Mais
pourquoi les gens le regardaient sans le voir alors ?
Arrivé au pied de son lit, Harry s’agenouilla lourdement et
déposa toutes ses affaires pèle-mêles dans le coffre.
Il le referma précautionneusement, sans faire le moindre bruit, et
puis il posa ses coudes dessus avant de plonger sa tête entre ses mains.
Il fallait qu’il évacue toutes ces rancunes dérisoires
et égoïstes… Serait-il possible qu’il soit effectivement
devenu fou ? Sans doute. Car ça ne pouvait venir que de lui cette
impression d’ignorance et de rejet… Oui c’était
cela, tout était sa faute.
Il voulait se ressaisir mais sa tête lui chantait qu’il était
bien trop tard pour ça…
Il était comme… Un sac poubelle à usage unique. Il était
né pour ça, et maintenant qu’il avait servi, il était
sale et rempli d’immondice jusqu’à la lie, rempli à en
vomir… Bien sûr tout s’éclairait. Quel narcissique
crétin il était. On ne remerciait pas une chose dont l’usage
coulait de source ! Tout cela allait de soit à présent, il était
né pour être le réceptacle de cette peine. Remerciait-on
le sac poubelle après l’avoir rempli ? Tout était évident
dans ce monde soigneusement étiqueté. Oui la réponse était
là…
- Harry ?
Il se retourna brutalement, une lueur animal dans les yeux. Ron eut un mouvement
de recul. Comment Harry ne l’avait-il pas entendu arrivé ? Il
calma ses prunelles assoiffés de pénitence, refréna
ses envies d’être enfin utile, enfin considéré maintenant
qu’il avait compris qu’il suffisait qu’il ait mal pour être.
Ses traits las et fatigués retombèrent…
- Oui Ron…
- Je… Tu… Enfin on ne voulait pas te blesser tu sais, Hermione
s’inquiète beaucoup pour toi…
Comble du ridicule.
- Je sais bien, coupa gentiment Harry, j’irais m’excuser auprès
d’elle demain matin, ajouta-t-il très doucement.
- Ce n’est pas que… Mais on ne peut pas…
Il voulut sourire à celui qui fut son ami mais ne parvint qu’à esquisser
sur ses traits tremblants une hideuse grimace douloureuse pour eux deux.
- Oui Ron je sais tout ça…
- Bien je…
- Je vais sortir un peu, avança Harry pour couper court au malaise
qui menaçait encore de s’abattre sur leur substitut de conversation.
Il sortit et commença à avancer dans le noir sans réfléchir.
Un quart d’heure plus tard, ses pas l’avaient guidé jusqu’à la
volière dont l’imposante fenêtre était grande ouverte.
On n’entendait pas le battage habituelle des plumes, tout juste la
respiration rassurante de ces quelques oiseaux de nuits, qui une fois endormis
ressemblaient à un collier de boules de laines sur leur perchoir…
Il s’appuya au rebord de la fenêtre, et cette fois encore l’appel
du vide, effrayant, autonome et incontrôlable l’enserra bien
fort. C’était l’étreinte la plus délicieuse
qu’Harry connaissait. A peine avait-il laisser ses yeux sombrer dans
l’immense vide en contre plongé, que déjà il sentait
l'attraction du sol, comme un appel d’air qui suppliait d’happer
voracement son corps à trouver le repos en se laissant venir. C’était
bon… Aucune attache humaine, aucune paire de bras ne pouvait le faire
se sentir si libre. Il ressentait cette émotion grisante d’être
tout et rien à la fois, d’être fort et puissant, il pouvait
décider de le faire ou pas… Ivre de liberté, il se sentait
vivre parce que… Parce qu’il savait qu’il allait mourir
et qu’il n’attendait plus que ça…
Il releva la tête, baignant cette fois son regard dans le néant
encore plus étourdissant du vide d’en haut… Il fixa la
lune, ronde et pleine… Prunelle albinos, tache de pureté dans
le velours d’un ciel d’encre… Comme son étreinte à elle
devait être incomparable, songea-t-il amèrement…
- Un loup taciturne et solitaire, avide de vide…
Harry ne sursauta pas, aucun signe de surprise sur son impassible visage
qui dissimulait tant de questions. C’était le rare moment de
la journée où il était suffisamment soûl d’émotions
pour oublier le reste.
- Bonsoir curieuse Luna Lovegood…
Ses yeux aussi ronds et luminescents que la lune se posèrent sur Harry.
Luna portait une jupe de gitane multicolore et rapiécée, assortie
d’une ample chemise jaune qui tombait allégrement et dénudait
sa fine épaule gauche. Ses cheveux blond blé emmêlés,
noués en un chignon flou qui libérait quelques mèches éparses
dans sa nuque enfantine… Ils dévoilaient les radis oranges qu’elle
arborait fièrement à ses toutes petites oreilles… Harry
la laissa s’approcher avec prudence, pas trop près, pas trop
vite… La proximité des autres l’effrayait, le révulsait
inexplicablement depuis… Depuis ça.
Luna est une personne effrayante quand on ne la connaît pas bien. Les
gens la fuient, et rester trop longtemps près d’elle relève
du suspect. C’est sans doute pour cette raison précise qu’en
cet instant Harry ne s’étonna pas de sa présence, paraissant
même s’y accoutumer. Luna parle par bribe, réagit souvent
très violemment et dans des instants où l’on n’attend
rien d’autre que le creux du silence. Elle paraît naïve
et un peu trop pure pour être vraie. Mais parfois, un voile opaque
tombe sur son regard bleu ciel, presque fluorescent, et ses propos se font
aussi évanescents que ceux de cette chère Sybille Trelawney.
Un grain de folie douce dans un monde de fous dangereux…
Ce soir là, elle arborait l’un de ces regards nuageux qui prophétise
la venue d’un accès d’étrangeté qui dépasse
la raison. Possédée par des mots extraordinaires et incohérents
dont la portée la dépasse et qu’elle oublie le lendemain
matin, comme si quelque chose l’habitait dans ces moments… Harry
retint son souffle malgré lui. Et si pour une nuit il comprenait ses
phrases ? Et si pour une nuit il y décelait la clef de cette sombre
pièce qu’il ne voyait plus bien dans sa mémoire… Cette
sombre pièce de douleur exiguë dans laquelle ils l’avaient
tous enfermé d’un accord commun et cruel ? Qui ILS déjà… ?
Voulait-il seulement y penser maintenant ?
Mais à mesure qu’elle s’approchait de lui pour lui parler
il se relâcha, réalisant que toute cette tension était
veine…
Se laisser porter par le courant boueux et noirâtre de son éternelle
solitude était tellement plus confortable…
- Alors petit loup ? En quête d’une solitude plus profonde encore
que celle que tu as patiemment cousu autour de toi ?
- J’aime être seul Luna…
- Je sais.
Elle fit éclater dans l’air la bulle de son petit rire, caractéristique évidente
de sa douce et suave folie… Il retomba sur Harry comme une fine pluie
de paillette légères à son cœur…
- Petit loup petit loup…, soupira-t-elle. Ce qui te manque est si proche
de toi… Cesse de n’ouvrir tes belles opales que pour la nuit…
Sa phrase semblait ne vouloir aboutir nul par, elle resta longtemps en suspend
dans l’air… Son visage teinté d’incohérence,
Luna ne se décida jamais à en annoncer la fin.
- Tu aimes la lune Harry…
- Oui, beaucoup c’est vrai… Elle est insatiable et capricieuse,
elle tourmente l’océan… Mais si veloutée et compréhensive,
si douce quand mon regard se perd en elle…
- Si tu déchiffres cela… Alors peut-être trouveras-tu
plus tôt ce que tu cherches inlassablement solaire Harry Potter…
- Luna… Tu vois tellement de choses que les gens ne soupçonnent
pas… Pourquoi ne m’aides-tu pas à comprendre mieux ce
vide au fond de mon corps ?
- Petit loup, répéta-t-elle encore, ce dont tu as besoin tu
le sens… C’est d’une ombre froide et sépulcrale
dans laquelle te blottir. Tu cherches avec une détresse infinie le
refuge de l’obscurité pour tempérer l’enfer de
tes entrailles… Tu as besoin d’une main gelée sur ton
front bouillant, sur ton corps malade et meurtri, besoin de l’opacité perpétuelle
d’un être plus grand qui te protégera comme l’enfant
que tu es encore… Besoin de remédier à ton incomplétude
comme toute âme respectable, mais plus fort encore parce que tu es
différent…
L’étrange jeune fille s’arrêta brusquement, et se
redressa en souriant normalement, comme si cette scène n’avait
jamais eu lieu, comme si elle revenait d’une absence épileptique… Sa
voix qui résonnait encore dans les tympans de Harry se perdit dans
le vide lorsqu’elle se pencha jusqu’à son oreille pour
murmurer :
- Cherche l’éclat de lune perdu à la lumière…
Harry soupira alors qu’elle reculait. Il ferma les paupières
pour rassembler ses idées et apposer un semblant de signification à ces
prédictions décousues, à ces propos nébuleux… Et
lorsqu’il rouvrit les yeux, son étrange compagne de la nuit
s’était évaporée… Ne laissant d’elle
que cette délirante et légère odeur de thym et d’orange
séchée…
*
* *
- Harry ?
D’où provenait cette voix lointaine et étouffée,
voix indécise qui prononçait son prénom ? Son prénom… Encore
et toujours son prénom… à l’écœurement…
- Harry ?! Insista la voix.
Paniqué par l’idée qu’il l’entendait si mal,
Harry se sentit suffoquer, quelques-chose l’étouffait, un voile
lourd qui le tirait profondément à l’intérieur
du sommier.
Il se releva dans un bref sursaut, le souffle court, le visage cireux… La
chemise de son uniforme avec lequel il s’était endormi la veille
collait désagréablement sa chair moite et encore palpitante
des bribes d’effroi qui s’étaient immiscées dans
chacune de ses cellules. Il reprenait péniblement son souffle et ses
yeux ne se faisaient toujours pas à la lumière blessante qui
fauchait ses pupilles affolées… Après ce qui lui sembla être
une éternité, il perçut les contours de la haute silhouette
athlétique et carrée de Jordan. Il déglutit avec difficulté,
constatant qu’il s’agrippait à son bras dans un geste
de désespoir confus. Mal à l’aise, le septième
année le fixait avec inquiétude et appréhension. Après
un court temps de réintégration à la réalité,
Harry le lâcha brusquement et bredouilla des excuses désordonnées
en maudissant cette inévitable perte de contrôle lorsqu’il était
dans cet état comateux entre le sommeil et la conscience.
- Heu Harry, Ron et Hermione sont déjà descendu prendre leur
petit déjeuner il y a un moment, j’ai pensé que peut-être…
Harry observa le soleil déjà haut et fière dans le ciel
gris et voilé de septembre, persistant malgré les nuages qui
menaçaient de le faire suffoquer. Il se secoua brutalement, remercia
Lee de l’avoir réveillé et… Et s’arrêta
soudain perplexe…
- Lee ?
- Hum… Se contenta de répondre ce dernier en se dandinant d’un
pied sur l’autre.
- Qu’est-ce que tu foutais dans mon dortoir au juste ?
Le jeune homme sembla précipitamment plongé dans l’étude
attentive de ses lacets. Un dernière année gêné.
Ridicule. Songea Harry.
- Je… Heu… Enfin… Il y a cette histoire et… Je sais
que je suis plus vieux… Mais j’ai eu peur et…
Bordel Lee ressaisis-toi, si tu parles tu vas te faire dépecer la
langue ! Il commençait à paniquer sérieusement. Il fallait à tout
prix qu’il trouve une parade pour se sortir de cette situation. Il
broya ses poings dans ses poches de toutes ses forces pour rassembler un
minimum de concentration… A son grand soulagement, sa main gauche entra
en contact avec le papier granuleux d’une enveloppe dont il avait presque
oublier l’existence. Tu tombes à pique ma belle, songea-t-il,
j’aurais bien fait ça moi même mais il me faut une excuse
si je veux me resservir de ma langue à bon escient…Il sortit
le rectangle en papier jauni de sa poche de pantalon et mima une timidité de
collégienne effarouchée.
- C’est que tu sais… Il y a Hermione… Et… Ma lettre
et…
Harry se radoucit considérablement. Lee le remarqua aussitôt
sur le relâchement pourtant quasi imperceptible de ses traits, et remercia
Merlin d’avoir prêter en cet instant un brin d’émotion
au monstre flegmatique qu’était devenu le Survivant. Il en profita
pour se conforter dans sa position de victime enamourée et qui n’osait
pas.
- Enfin, comme tu n’étais pas en bas avec les autres… Je… Je
pensais te trouver et… Te demander ce service…
- Bien entendu, coupa Harry, je peux l’air de rien la glisser dans
son sac au cours des jours qui viennent.
Lee feint l’illumination de surprise contrite, cessa ses bégaiements
et fondit sur Harry tel un ours, avec ses soixante-quinze kilos de muscle
et son mètre quatre-vingt-dix. Il lui offrit l’accolade bourrue
de l’amitié, typique d’un Gryffondor sans doute, l’étouffant
au passage. Profondément dégoutté par la proximité de
Lee, Harry se dégagea beaucoup trop vivement. Jordan le remarqua,
mais il n’avait pas vraiment le temps de s’en formaliser.
- Bon, finissons-en, donne moi la lettre et retourne dans la grande salle
avant que quelqu’un trouve suspect que ni toi ni moi ne soyons encore
descendus.
- Ha merci Harry ! Vraiment t’es un mec extra !
- Parle à ma main, et va le raconter à ceux qui se chient dessus
en me voyant, grinça Harry trop faiblement pour que Lee puisse l’entendre.
Sur ces bonnes paroles, Lee sortit en chantonnant un vieil air romantique
français. Pathétique bis, songea Harry. Il le regarda sortir,
resta debout au beau milieu du silence asphyxiant du dortoir vide pendant
une longue minute, puis il posa l’enveloppe sur sa chaise et s’étira
douloureusement pour dénouer ses muscles tendus.
- Putain de faux cul de dernière année, éructa-t-il
pour lui même.
Il rassembla rapidement des affaires propres, et s’enferma à double
tour dans la salle de bain. De toute façon il n’aurait jamais
le temps de descendre manger, alors autant rentabiliser le laps de temps
restant pour faire peau neuve… Cela dit tout est relatif…
Il se glissa furtivement dans la douche, espérant se débarrasser
tant bien que mal des lambeaux de cauchemars suppliciés à la
carcasse de son indifférence, avec des gestes fébriles. Quelques
minutes plus tard, il sortit de sous le jet qui crachait à gros bouillons
son irrégulier torrent d’eau bouillante, et s’enveloppa
dans une vieille serviette délavée en grelottant. Il enfila
un jean délavé qui tombait nonchalamment sur ses hanches étroites,
et boutonna avec des gestes fiévreux une liquette vert sapin trouée
sous le bras droit et beaucoup trop grande pour ses épaules ténues.
Elle était à James…
Finalement, il constata qu’il avait fait plus vite qu’initialement
prévu. Alors le regard vide, il flotta le long des escaliers plus
qu’il ne les descendit et, sa robe de sorcier à la main, il
parvint rapide et silencieux jusqu’à la grande salle.
- Tiens Harry te voilà ! L’accueillit Hermione avec un grand
sourire.
Il répondit par un maigre et inaudible bonjour.
- Je ne t’ai pas réveiller s’excusa Ron, comme tu avais
encore la migraine cette nuit et que tu n’as pas beaucoup dormi, je
comptais aller voir Madame Pomfresh avant les cours au cas où tu ne
serais pas descendu déjeuner…
- Ça va ce matin, trancha Harry, J’ai juste du mal à reprendre
le rythme, pardon pour hier soir Hermione, lâcha-t-il en bloc.
Elle lui sourit à nouveau et l’invita à s’asseoir à côté d’elle.
Harry sentit poindre la bile épaisse qui remontait son œsophage
dans une traînée chaude, menaçant d’atteindre le
bord de ses lèvres frémissantes de douleur contenue… toute
cette hypocrisie… Elle lui donnait la nausée chaque matin, quelque
soit l’endroit où il fut. Comment pouvait-elle lui sourire comme
si il était encore l’enfant avec lequel elle avait fait les
quatre cent coups ? C’était absurde, il aurait été beaucoup
moins douloureux pour lui qu’elle l’ignore. Car il s’agissait
bien de cela, ils faisaient tous semblant, ils préféraient
le prendre pour un demeuré eux aussi en faisant comme si tout ça
n’avait jamais eu lieu. Même eux ? Ses amis… Comme le mot
sonnait étrangement à ses oreilles aujourd’hui… Toute
cette mascarade n’avait aucun sens, elle ne faisait que le conduire
plus loin dans le puit de sa détresse, l’obligeant à haïr
chaque minute un peu plus ceux qui furent sa famille ! Pourquoi l’amenaient-ils à les
détester ?
Après que… Après le rituel, il avait eu tellement mal… Il
avait hurlé son algie sans que cela ne l’exhorte pour autant,
il aurait voulu s’arracher la peau avec les ongles, éplucher
son corps centimètre par centimètre pour qu’enfin une
douleur prime sur l’autre, plus profonde et inaltérable, cette
présence malsaine qui pillait son enveloppe charnelle, et sa tête… Cette
présence qui violait son sommeil et suintait le mal par tous ses pores
! Oui… Oui à cet instant précis il aurait bien voulu
des sourires condescendants d’Hermione ou de qui que ce fut, il aurait
eu besoin d’une oreille conciliante, de bras aimants et rassurants
pour lui dire que tout irait bien même si cela s’avérait
plus compliqué…
Mais comme son comportement violent, presque masochiste et autodestructeur
avait inquiété l’Ordre, ils avaient choisis de l’enfermer
dans une pièce vide où il ne pourrait vraisemblablement pas
se faire de mal. Ce fut sans doute dans la vie de Harry les instants les
plus immondes et insoutenables… A tel point qu’aujourd’hui
encore, s’en rappeler égalait à mourir un peu, chaque
souvenir achevant d’enfoncer sadiquement dans son corps meurtris l’épais
de l’horreur glaciale, celle qui enserre vos côtes dans un étau
de peur étriqué...
Cette pièce froide et vide… Il ne pouvait rein faire d’autre
que de hurler en espérant qu’on viendrait le sauver… Hurler
au delà du possible, jusqu’à l’épuisement,
jusqu’à ce que les larmes coulent malgré ses nerfs et
que son corps vide ait franchi les limites, s’effondrant mort sur le
sol, parcouru de spasmes violents qui détruisaient ses organes internes… Plus
qu’à laisser l’hémoglobine traverser son larynx
pour s’écraser par terre par à-coup, en ruissellements
pourpres et épais…
Et il pouvait s’arracher les cheveux, les ongles, découdre sa
peau avec ses os à vifs, casser ce qu’il pouvait casser en multipliant
les fractures sur le même endroit pour que le mal à l’intérieur
soit plus insupportable… Aucun douleur ne surmontait celle qui gouvernait.
Et jamais personne n’était venu le sauver.
Tous ces souvenirs Merlin… Une petite mort de plus. A ce rythme là,
peut-être un matin ne se réveillerait-il pas….
Il réalisa soudain que ses amis l’observaient intensément,
curieusement pervers… Ils voulaient savoir ce qui se tramait derrière
les prunelles à la fixité cadavérique qu’il avait
conditionné pour ne rien laisser transparaître… Et pourtant
aussitôt qu’il essayerait, ils se boucheraient les oreilles en
lui tournant le dos.
Seamus posa une main avenante sur son épaule.
- Hey Harry t’es tout pâle, tu veux qu’on t’emmène à l’infirmerie
?
Harry esquiva vivement la main qui menaçait de le saisir plus fort
et répondit très sec :
- C’est bon.
L’atmosphère à table frôlait l’insupportable.
Harry n’en pouvait déjà plus de devoir assumer à chaque
repas les silences gênés ou autres conversations trop calculées
pour contourner les sujets épineux. Que s’imaginaient-ils tous
? Que si ils prononçaient le nom de Voldemort Harry deviendrait fou
et leur sauterait à la gorge en hurlant sauvagement ?
La situation était grotesque, il ne fallait pas inverser les rôles, ça
n’était pas lui le monstre. Il avait accepter de se sacrifier
pour eux… Personne ne pouvait ne serait-ce qu’effleurer du bout
de la pensée le quart de l’enfer dans lequel on l’avait
plongé ! Et voilà qu’il sentait la culpabilité ronger
sa carcasse comme un rat puant… Il glissa l’enveloppe de Lee
dans l’un de livres de cours d’Hermione sur le banc sans que
celle-ci ne s’en rende compte. Débarrassé de son fardeau,
il se leva pour se replonger avec une satisfaction diabolique dans le velours
majestueux de sa solitude adorée. Les Gryffondor le regardèrent
tous, à l’étroit dans leur robe, conscients de sentir
quelle était l’origine du malaise, mais entendus sur le fait
qu’ils n’étaient pas assez forts pour le mentionner, et
pour supporter l’histoire de Harry.
Cela n’importait plus, tout le monde savait qu’à ce stade
ce n’était plus qu’une question de temps, que reculer était
impossible et quoi qu’on en dise, Harry ne tiendrait de toute façon
pas l’année. Ils reprirent leur conversation initiale, bien
qu’elle sonnât si faux que s’en était perceptible…
Depuis une autre table, troublé mais placide, Malefoy les observait.
Il passa malgré lui une main nerveuse dans ses cheveux longs. Il ne
pouvait s’empêcher d’être tendu à l’idée
que Potter portait une blessure si profonde que même ses odieux sarcasmes
ne le ferait plus réagir. C’était véniel, égoïste
et inadapté comme pensée, et alors ? Il ne voulait pas traduire
ce nœud de maux et de mots autrement.
Tout le long, de son entrée féline et noire dans cette chemise
informe à sa sortie désintéressée et avide dans
ce pantalon vulgaire, Draco avait littéralement "bu" Harry…
Ses yeux, ces deux immenses orbes vertes et vertigineuses étaient
monstrueusement effrayants à présent…
Quand il pensait… Evidemment il y a tout juste un quart d’heure,
juste avant de croise Harry pour la première fois depuis trois mois,
il ne rêvait que d’une chose c’était de pouvoir
tester ses compétences toujours plus pointues en matière d’humiliation
sur le balafré. Et puis aussi violemment qu’on pouvait se prendre
une porte de Poudlard dans la gueule (et Merlin sait que leur grand âge
leur vaut cette rustique solidité) s’était imposé à lui
l’évidence troublante d’un bouleversement qu’il
avait originellement mal appréhendé. Pourquoi diable était-il
le seul à avoir trouvé Potter machiavéliquement charismatique
quand il était entré ? Les autres l’ignoraient scrupuleusement,
c’était effrayant qu’ils puissent tous éviter de
suivre des yeux cette… chose à demi-humaine qui irradiait on
ne sait pas trop quoi de désert…
Finalement cette rentrée se vérifiait comme très différente
des précédentes. L’imbécillité incommensurable
qui le frappait régulièrement avait inconsciemment laissé croire à Malfoy
que tout rentrerait dans l’ordre. Irrémédiablement, il
semblait bien que la mort de Voldy chéri ait causé plus de
ravages sur ce seul être à quelques mètres de lui que
sur la totalité du monde sorcier… Draco s’asséna
une flagellation mentale. Il était le premier, et sans doute le seul, à observer
avec une aisance déconcertante que Potter se traînait tel une
boîte de conserve évidée, et voilà qu’il
se surprenait à réagir comme ce ramassis de crétins
congénitaux, c’est à dire en faisant simplement et mécaniquement
abstraction d’un fait établi si énorme qu’il fallait
vraiment avoir subi une trépanation ou bien être lobotomisé pour
l’ignorer.
Dans un sens, le tour que prenait sa vie n’avait ni queue ni tête,
il ne se reconnaissait pas et s’effrayait à mesure que les matins
où il devait croiser son reflet dans la glace s’enchaînaient
méthodiquement. Il grandissait beaucoup trop vite… Et le vide
béant qui s’ouvrait sous ses pieds entre lui et les autres Serpentards
lorsqu’il tentait d’entretenir la flamme d’un semblant
de conversation lui tournait maladivement la tête… Il percutait
mollement le mur (ndla : oui après les portes de Poudlard c’est
un mur ^^’, poooovre Dray…) du présent, et reprenant ses
esprits, il réalisait que si - comme on le lui avait déjà gentiment
fait remarquer - il n’avait pas encore écraser Potter sur le
pavé comme une grosse blatte d’une simple pique soigneusement
choisie, c’était tout bonnement parce qu’il pouvait sentir à quel
point c’était immature et inconvenant…
Merlin ! Comme à présent il se sentait con de n’avoir
pas compris immédiatement !
Il ne fallait pas sombrer dans un accès de puérilité,
tout ce qui s’ourdissait cette année n’avait absolument
plus rien à voir avec leurs éternelles querelles d’adolescents
pleins d’hormones à craquer… L’âme de Potter
côtoyait les cinq cent ans bien tassés et il puait la mort à plein
nez…
Mais ça évidemment, il n’y avait qu’un Malfoy froid
et observateur pour le déceler. Non pas qu’il se sentit d’humeur
charitable, Malfoy ne se préoccupait jamais de rien ni de personne
qui ne fut pas lui. Mais sa différence, cette fatalité délicieuse
et fatigante qui faisait qu’en plus d’être un Malfoy arrogant
et insupportable (pour perpétuer la tradition de la lignée
oblige…), il pouvait se permettre de rappeler aux gens en une simple
phrase qu’il était dangereusement et résolument trop
mûr pour ses dix-sept printemps… Cette différence pesait
lourd sur son existence… Et le Potter qui venait d’apparaître
sous ses yeux lui plaisait incontestablement… Il était détaché de
tout, attentif et muet. Draco se dit que même si cette inopinée
et frustrante éventualité plus qu’envisageable s’avérait
friser le comble de l’aporie, pour la première fois de sa vie
il se mouvait à sa portée la seule personne susceptible de
lui donner envie de tisser avec lui la toile filandreuse de l’amitié…
Oh il savait combien le chemin sur lequel s’aventuraient ses pensées était
dangereux bien sûr... Mais on l’avait trop sous estimé.
Et cette histoire devenait grisante, excitante au point qu’il était
déjà arrivé à un stade top avancée dans
sa réflexion pour faire marche arrière… Il y avait au
delà de leur incessante haine où chacun croyait défendre
la juste cause, une cohésion qui se dessinait… Encore abstraite
et imprécise sur l’instant, mais qui promettait d’être
houleuse et compliquée à souhait…
Evidemment il avait à sa portée la place toute chaude de l’icône
de Poudlard sur le plan popularité… Mais là où il
se distinguait des autres Malfoy, c’était dans son désintérêt
total pour ce qui était de ce goût exagéré pour
le soin des apparences sociales… Et il était d’autant
plus fascinant de relever ce défis que Potter et lui étaient
définitivement, diamétralement opposées en tout point.
En un sens, en se lançant dans la quête de l’amitié du
démon Potter il entretenait la légende de Malfoy le maléfique… Et
puis, même si cette entreprise n’avait rien de foncièrement
maléfique, la nouvelle célébrité de Potter qui
possédait pour principale caractéristique d’être
fui comme la peste bubonique serait une excellente couverture pour opérer à l’abris
de la bêtise générale qui semblait avoir gagné Poudlard…
Malgré tout une voix qui sortait d’on en sait où, une
voix lui rappelant vaguement les intonations traînantes de Lucius,
s’insinuait dans sa tête en sifflant…
Tout ceci frôle l’hérésie, conspua-t-elle pernicieuse.
Ta gueule Lucius, songea Draco…
Mais, bien qu’il fut sourd à la voix diabolique dans sa tête,
il était impossible de ne pas penser que le bilan de ce dessein pouvait
virer catastrophique.
Au delà des franchissables et négligeables problèmes
d’image publique et de principes moraux, approcher Potter c’était
devoir porter un bout de sa peine pour percer le mur qu’il avait ériger
comme une protection imparable autour de lui. C’était apprendre
enfin à faire ces "concessions" que font les gens normaux
et faibles, c’était admettre qu’il y avait bien un domaine
où Draco était sensiblement en retard : l’expérience
humaine ! C’était, pour la première fois depuis que Narcissa
l’avait mis au monde, partager autre chose que le même oxygène
avec quelqu’un ! Merlin il allait défaillir… Il allait
devoir apprendre l’amitié et qui plus est devoir admettre dans
cette attitude des lacunes évidentes qu’il avait jusqu’ici
exhibés comme un trophée. Hum… Ce projet commençait
déjà à être trop contraignant… Mais son
aspect invraisemblablement provoquant l’attirait bien plus que ces
quelques sacrifices prévisibles ne le rebutaient. Il se devait, en
bon petit diable qu’il était, de trouver un moyen pour tourner
toute cette situation à son avantage…
Draco s’empara d’une cerise dans la corbeille de fruit en face
de lui.
Lentement, savourant les reflets de la lumière du jour qui jouaient
et glissaient sur la surface brillante et profondément rouge du petit
fruit, il la porta jusqu’à ses lèvres, l’effleura
imperceptiblement, appréciant sa caresse tendre et presque plastique… Et
puis il l’engouffra avec une extrême délicatesse dans
sa bouche, la posa sur sa langue… Il joua avec quelques secondes, songeant
qu’il devrait très bientôt avoir une petite discussion
avec Potter… Enfin il mordit dedans avec volupté, il sentit
sa chair fournie et sucrée se découdre sous ses dents nacrées.
Le liquide, à la fois amer et doux, emplit ses parois buccales… Il
ferma les yeux pour mieux aimer cette sapidité exquise, et décida
inspiré que sa relation avec Potter aurait un goût de cerise… Elle
serait unique, frugale, possessive et lentement douloureuse… A la fois
acide et suave, ne sachant aboutir à rien d’autre qu’une
explosion des sens…
Une relation comme on en n’avait encore jamais vu…
Un frisson dangereux le parcourut. Oh ça non… Il ne deviendrait
jamais Saint Malfoy…
Et pour que cela n’arrive pas, il fallait qu’il soit capable
de leur construire ce lien très différent de l’amitié ordinaire… Un
rapport de force sadique et destructeur ? Une tendresse affectueusement cruelle
? Il ne savait pas encore…
Juste quelques chose de délectable et qui perdure interminablement…
Comme un… arrière goût de cerise…
- Ben Draco t’es sur quelle planète ? Hasarda une voix nasillarde.
Le jeune Serpentard sortit brusquement de sa rêverie… Ce qui
venait de lui paraître une semaine entière d’intense cogitation,
se confondit dans cinq douloureuses minutes qui l’avaient plongé dans
une profonde mort cérébrale. Il lorgna avec un agacement semi
dissimulé la main de Parkinson posée sur son avant bras droit.
- Ta voix de dégénérée m’insupporte Parkinson,
serait-il envisageable que tu nous la fasses supporter le moins possible
?
Le timbre de Malfoy s’était fait doucereux au point que l’hypocrisie
y perce par toutes les lettres qui se détachaient distinctement de
ses lèvres, s’insinuant dans chaque mot, chaque intonation de
la phrase.
Surprise par scélératesse si matinale, Pansy retira brusquement
sa main avec mépris et se retourna vers Montague qui lui bavait dessus
en louchant sur sa poitrine. Elle espérait vraiment rendre Draco Jaloux,
alors lui n’en pouvait plus de son comportement… Il jugea qu’il était
temps de regagner l’estime des Serpentard en renouvelant son forfait
de maître vénéré de sa maison avec un cassage
bien de chez lui. Et puis Parkinson le lâcherait peut-être une
semaine ou deux après ça…
- Pansy ? Appela-t-il de sa voix de fausset.
Elle pivota maladroitement ,une lueur d’espoir s’alluma dans
ses prunelles marécageuses…
- Et si tu te faisais prendre par Montague là maintenant sur la table
? Cela nous divertirait tous beaucoup mon cœur, surtout moi, tu sais
que j’aime le cirque…
Elle se leva, les lèvres frémissantes de colère, livide
sous les ricanements niaiseux de ses congénères les persifleurs,
mais elle ne préféra rien ajouter et sortit de sa démarche
gauche.
Draco soupira… Une étrange mélancolie lui enserra la
gorge. Quel mérite avait-il à faire glousser une bande d’enculés
dont la futilité dépassait l’entendement, et ce en rabaissant
une débile profonde ? Merlin, avaient-il régressé durant
les vacances ? Ça ne l’amusait absolument plus de faire ça…
Autour d’eux la salle s’était largement vidée,
il était plus que l’heure de se rendre au premier cours de la
journée. On ne faisait pas attendre Rogue…
*
* *
- Harry ! Cria Hermione en le voyait apparaître à l’autre
bout du couloir, où étais-tu ? Tu es parti vite ce matin, tu
n’as même pas déjeuner…
Fais semblant de t’en inquiéter…Songea le principal intéressé.
- Pas faim, grogna-t-il.
Ils entrèrent dans l’ancien cachot, Harry les regarda s’asseoir,
les dépassa à leur grand étonnement, puis il s’installa
sur la table la plus à l’écart de la salle, seul. Il
apprécia l’espace lisse, la surface étendue de cette
table qu’il n’aurait à partager avec personne…
Au cours de l’heure il se soucia tout juste de sortir une plume et
un parchemin pour illustrer son acte de présence. De là où il était,
Rogue pouvait à peine le voir, il semblait même l’avoir
oublié… Ce qui était somme toute assez curieux en soi,
parce que c’était la rentrée. Première fois en
six ans qu’il ne s’octroyait pas la joie immense et gratuite
de l’humilier publiquement…
Ne voyant toujours rien venir au bout d’un quart d’heure, Harry
s’autorisa à baisser sa garde, laissant la voix uniforme du
professeur comme un fond sonore en guise de berceuse. Il ne réalisa
pas tout de suite que quelqu’un venait de s’asseoir à côté de
lui, jusqu’à ce qu’il perçoive vaguement un son
qui devait s’apparenter à une phrase…
- Tiens-toi droit Potter, on dirait une loque.
La voix lente se fraya un chemin dans la densité du voile posé sur
ses tympans bourdonnants qui avaient depuis longtemps oublié leur
fonction perceptive… Malgré cet handicap… Aucun doute
quant au propriétaire de cette voix aux notes oblongues ; Malfoy.
Harry lui lança l’un de ces regards inoccupés dont il
avait acquis le secret ces dernières semaines, Draco réprima
un frisson de désarroi…
- Pourquoi t’es là toi ?
Le Serpentard se ressaisît et réfuta hautainement :
- Même le meilleur élève de l’école à des
instants de faiblesse, je me suis obligeamment vu demander d’émigrer à côté de
toi parce que je manquais d’assiduité au premier rang…
Satisfait de la réponse (l’avait-il seulement écoutée
?), Harry se tourna vers le mur et replongea de plus belle dans son coma
salvateur.
Draco se retint de le gifler. Cette phrase lui avait beaucoup, beaucoup coûté… Presque
autant que de se faire intentionnellement déplacer par le Directeur
de sa maison. Ce… ce grossier personnage n’avait absolument pas
relever l’évidente et inattendue marque de considération
qu’il venait de lui porte ! Exaspéré il se dit qu’il
faudrait sûrement qu’il apprenne à être patient
pour aller quelque-part avec cet énergumène. Ça et… et
a museler sa fierté venimeuse aussi…
Jusqu’à la fin de l’heure ils n’échangèrent
plus un mot. Premier contact soldé par un échec cuisant. Draco
avait intelligemment compris que pour s’immiscer dans l’armure
de Potter (Merlin, quelle étrange image…), il lui faudrait être
capable de partager sans mutisme, c’était sans doute le seul
moyen de l’habituer à sa présence. Ça prendrait
sans doute du temps… Enormément. Avant de sortir de la salle,
Harry fixa son voisin, enfin "scanna" est plus juste, son regard était
empreint d’une telle indifférence que Draco put jurer en cet
instant que le brun contemplait le mur à travers lui… Froid
et mécanique, il sortit sans un mot. Merlin, cela prendrait l’éternité…
Les semaines qui suivirent, Draco réitéra sa petite mascarade
aussi souvent qu’il le put, inébranlable et enthousiaste. Naturellement,
comme il s’y était attendu, l’école entière
jasait à ce propos. Mais à son grand étonnement les
gens s’étaient persuadés tout seul qu’il préparait
la pire des vengeances pour anéantir le balafré, pour une fois
sa réputation servait une juste cause, du moins SA juste cause. Ce
qui restait certain c’est que Harry lui ne se rendait absolument pas
compte de tout ce foin…
Draco ne savait pas très bien où il allait comme ça,
mais une chose est sûre, il y allait !
Et puis décembre arriva, les cieux tourmentés chargés
d’une neige que tout le monde attendait impatiemment… Le premier
vendredi du mois, lorsque la journée toucha à sa fin, le ciel
avait pris cette couleur agréable entre le mauve et le orangé.
Le vent était déjà dru mais malgré tout il faisait
encore très bon. La majeure partie des élèves, trop
heureux que la pluie ait enfin cessé, s’accordèrent un
petit bol d’air frais après le repas. Le parc de l’école était
animé d’une effervescence délicieuse. Le soleil avait
timidement fini par percer les épais morceaux de coton grisonnants
qui parsemaient le ciel, et la bonne humeur était tellement unanime
qu’elle semblait flotter dans l’air, quasi palpable, avec ce
on-ne-sait-quoi de nostalgique qui fait frémir les narines. Une petite
odeur indescriptible que chacun reconnaît à l’arriver
des jours glacés, et qui fait danser des petits papillons dans l’estomac… Les
joues rosies par le froid mordant de ce début d’hiver encadraient
des visages radieux. Les élèves rayonnaient et le ciel caméléon,
s’accordait avec eux.
Assis seul, Harry détaillait au loin les deux silhouettes d’Hermione
et Lee qui se découpaient dans la lumière décroissante
au bord du Lac. Il songea que ça avait l’air facile de tomber
amoureux. C’était une pensée bizarre, mais c’est
vrai que ça ne lui était jamais arrivé. Peut-être
qu’en cet instant ça le sauverait… Il ne définissait
pas bien la douleur qui lui mordait la poitrine à cet instant. Il était
adossé là depuis des heures, à observer avidement ces
gens qui s’évertuaient à passer devant lui, seuls, en
groupe, en couple, et qui l’ignoraient… Assis contre le tronc
de ce saule pleureur au bois mort, il pouvait sentir la caresse rugueuse
de l’écorce contre la chair à nue de sa nuque fragile.
Il sentait la prise humide de ses doigts repliés sur l’herbe
fatiguée par son poids et sa chaleur. Il y avait pourtant tellement
de choses à ressentir… Lui les nommait seulement parce qu’il
pouvait mettre des mots sur des choses… Peut-être qu’à deux
c’était plus facile, peut-être que si lui aussi pouvait
encore attirer le regard des gens il trouverait la personne, la paire de
mains à travers laquelle réapprendre… Une phrase de Luna
lui revint en tête, "cherche l’éclat de lune perdu à la
lumière…" Il avait essayé tout seul, au début
il avait tenté de chasser ce creux béant en s’accrochant
avec chagrin à tout ce qui aurait été susceptible de
faire frémir son âme à nouveau… Mais, avec une
vitesse enivrante il avait pris goût à ce désenchantement
macabre, il avait vu se cultiver en lui le goût du néant, du
néant qui dévore et prend possession de tout…
Il venait de se faire virer de l’équipe de quiditch.
Malgré cela il n’en avait tout bonnement rien à foutre.
Bien que sa vie déjà entièrement décousue se
voit perdre encore un pan tout entier du peu de ruines qu’il lui restait…
Rien à foutre.
Il restait une chose pour laquelle il était très doué.
Avoir mal. Lorsqu’il souffrait il se sentait utile, comme s’il
savait que ce n’était qu’un juste retour des choses. Il
fallait qu’il trouve le plus vite possible comment toucher du doigt
le zénith de la géhenne pour qu’enfin le vide disparaisse. Être
libéré de ce vide insupportable et innommable… Ce vide
qui n’était rempli qu’aux moments où ces accès
de sado-masochisme à l’état pur le rattrapaient et couraient
dangereusement dans ses veines. Il ne les comprenait pas, ne les contrôlait
pas… Ils venaient de si loin en lui que leur origine lui était étrangère, à tel
point qu’il se demander si ils venaient directement de lui et pas plutôt
de… l’autre, sa nouvelle moitié… Auquel cas les
gens avaient raison et il fallait vite qu’il meurt, vite.
Il s’étonna au moment de rouvrir les yeux de découvrir
Luna assise à côté de lui. Il ne se concentrait plus
assez sur l’extérieur, il mettait toujours beaucoup trop de
temps à se reconnecter à la réalité… Il
bailla en s’étirant, puis il se leva pour surplomber la jeune
fille.
- Encore toi ? Demanda-t-il imperturbable.
Oh ce n’était pas du tout méchant, ni agressif… C’était
juste une question sincère, sans gène. Le genre de question
que pose quelqu’un qui a perdu l’habitude qu’on le voit,
qu’une autre vie interfère avec la sienne. De toute façon
Luna savait très bien tout cela et elle ne s’en formalisait
pas. Elle en savait toujours bien plus que nécessaire… Elle
pencha la tête et demanda sans prévenir :
- Hum… Harry ? Si je pouvais réaliser n’importe lequel
de tes vœux… Qu’est-ce que tu me demanderais ?
Le jeune homme songea à tout ce qu’il venait longuement de tourner
et retourner dans sa tête endolorie...
- Comme tu y vas fort, murmura-t-il, je pense que je voudrais m’endormir
paisiblement et ne plus me réveiller…
Absolument pas décontenancée par la teneur de la réponse,
comme si elle s’y attendait, Luna poursuivit :
- Alors tu es sur que plus rien ne te retient ? A dix-sept ans tu n’as
pas envie de tout recommencer ailleurs ? Découvrir toutes ces choses
que tu n’as jamais vu, apprendre un nouveau pays, une nouvelle culture… tout
refaire ?
- Non, répondit-il sobrement, ces choses ne peuvent plus rien pour
moi, elles résonnent comme une cavité creuse…
- Alors pourquoi ne pas souhaiter apprendre à ressentir ?
- Parce que… Harry réfléchit consciencieusement mais
aucune réponse adéquat ne germa dans le fond de sa mémoire
gelée.
Luna se contenta de rire, elle se leva et, passant de tout à rien,
sa voix fluette chantonna :
- C’est étrange tu ne trouves pas un cerisier en fleur par les
temps qui courent ?
Puis elle s’en alla en sautillant légèrement, retombant
toujours à peine sur le sol, comme une feuille morte, légère…
Harry fixa l’immense cerisier à quelques mètres de lui.
Il ne l’avait encore jamais remarqué, d’ailleurs cela
ne semblait troubler personne qu’un cerisier se dresse fièrement
au beau milieu du parc, aussi vigoureux et frais que si nous étions
en juin… Il combla la distance qui le séparait de l’arbre
et le détailla. Sa ramure était très belle, majestueuse,
son tronc aux dénivelés précis, presque artistiques,
ses fleurs pures en tourbillon rose et blanc… Un souffle s’engouffra
entre ses branches et une fine pluie de pétales virevolta effrontément
autour d’Harry, jouant au passage avec ses cheveux en lutte perpétuelle
contre les lois de la gravité. Il tendit un bras hésitant,
impatient de sentir sous ses doigts la mousse parfaitement verte qui ornait
son bois tendre en s’enroulant tendrement le long du tronc… Puis
il le rétracta subitement, comme par pudeur. Sans trop savoir pourquoi,
il leva la tête et à sa grande surprise aperçut une cerise… Il
se sentait bizarre et n’appréciait pas particulièrement
cette sensation. Il n’aimait pas vraiment que ses sens atrophiés
se voient impatients de quelque chose, il n’aimait pas l’idée
de "ressentir" à nouveau un jour. Elle était là la
réponse à la question de Luna. Il avait tout bloqué depuis
si longtemps qu’il supportait mal qu’un fruit l’émeuve
aussi sordidement. Pourtant il leva la main vers le petit point rouge pour
voir si peut-être il pouvait le saisir...
Il n’était évidemment pas assez grand.
Merlin, qu’est-ce qui lui prenait avec cette cerise ? Il n’y
avait pas une minute tout était sombre et, sous cet arbre émergeait
une puissance qui, indépendamment de lui faisait naître ce caprice
absurde de vouloir cueillir un fruit dont il n’avait pas envie. Pourquoi
voudrait-il d’un goût de sucre dans sa bouche fatiguée,
pourquoi ses papilles accueilleraient-elles cette chair rouge et abondante
? Devenait-il sérieusement un déséquilibré mental
? Peut-être était-ce ça les prémices de la folie
?
Malgré tout, il sentit son corps insister, se dresser sur la pointe
de ses pieds et se tendre au maximum pour gagner jusqu’au moindre millimètre.
Mais il n’y était toujours pas.
Sans qu’il n’ait entendu aucun bruit avant, il devina une masse
impressionnante surgir contre son dos raidi à l’extrême,
une masse de carrure imposante qui se déplaçait doucement et
dégageait une chaleur tiède… Harry sentit ses muscles
se relâcher sous l’effet apaisant de cette présence, fixant
toujours le fruit. Une main blafarde émergea de sous son bras droit,
il observa la main de cette statue de craie se refermer délicatement
sur la rondeur de la petite cerise. Elle la saisit et la décrocha
facilement. Puis la main redescendit, le regard de Harry avec, et disparut
là où il ne pouvait plus la voir. Harry ne bougea pas d’un
pouce, osant tout juste respirer de peur de rompre quelque chose qu’il
n’était pas sur de définir. Il fixait un point indéfini
au loin, très loin derrière la ligne d’horizon...
Que venait-il de se passer au juste ? Quelle singulière scène… Etait-il
seulement éveillé ? Il ne se rappelait pas avoir fait des rêves
où l’on se sentait si bien depuis des mois…
Ce ne pouvait pas en être un puisque la chaleur contre son dos persistait…
Sans vraiment être sur de ce qu’il était en train de faire,
Harry se tourna. Il voulait contempler encore la perfection immaculée
de cette main, et le petit fruit qui tranchait si fort, rouge sur le blanc éthéré de
la grande main aux longs doigts fins… La main qui avait si habilement
complété ses centimètres manquant...
- Ho…
- Ferme la bouche Potter. Dis-moi… Tes moldus ils ont oublié de
t’arroser quand tu étais petit ou c’était pendant
la pénurie d’engrais ?
Mais Harry ne l’écoutait pas, il regardait encore et toujours
sa main, sa main fermée sur la cerise…
Amusé, Draco attrapa celle de Harry qui était la plus proche,
et posa le fruit dans la partie tendre de sa paume.
- Tiens.
Cette fois, le brun leva son visage vers cet espèce d’indéfinissable
personne qu’il n’était pas certain de reconnaître… D’abord
son obsession insensée pour une cerise, cette main surgissant de nul
part… Et maintenant Draco Malefoy, au bout de la dite main. Harry songea
que s’il se souvenait comment on procédait, il aurait sans doute été surpris.
Toujours immobile en face de lui, le Serpentard pencha la tête sur
le côté et esquissa un petit sourire patient…
Oui, pourtant nous parlons bien de la même personne. Ce n’était
pas le genre de sourire qu’il accordait habituellement et dont il gratifiait
ses victimes après avoir sévi (ndla : ceux-ci s’apparentant
plus au rictus ^^’), bien autre chose… Quelque chose de spontané,
qu’il n’avait ni prévu ni calculé, ni retenu… Quelque
chose qu’il regretterait sans doute mais qu’il était heureux
d’offrir sur l’instant.
- On a inversé le sens de rotation de la terre pendant que j’étais
pas là c’est ça ? Demanda Harry on ne peut plus sérieux.
Et maintenant ça tourne à l’envers ?
Draco éclata de rire et le Survivant sentit une petite boule chaude
se former quelque part entre son plexus et son estomac… C’était
la première fois depuis très longtemps qu’il parlait
autant, et ne faisait pas fuir son interlocuteur. Il n’avait pas eu à mesurer
ses paroles elles étaient venues spontanément, comme le sourire
de Draco… Il venait de dire une chose qu’il avait vraiment eu
envie de dire, aussi absurde fut-elle, comme pour poser des mots sur les
lourdes couches de doutes empilées au fond de son ventre.
- Comme tu es rationnel Potter ! Entre nous je voudrais bien te répondre,
mais si c’est la cas on ne m’a pas mis au courant.
L’infime source de chaleur dans ses enrailles gagnait de la place à mesure
qu’il réalisait que Draco se concentrait sur lui sans chercher à éviter
aucun de ses mots. Elle se répandait doucement, comme une vague de
fin de journée que le sable et le soleil ont patiemment tiédis,
comme ces dernières vagues minces dont l’écume n’est
plus qu’une petite dentelle qui s’échoue lentement contre
vos pieds alanguis… Et plus Draco lui parlait, plus cette chaleur dans
son ventre était souple et diffuse… Presque malgré lui,
les mots franchirent ses lèvres :
- C’est étrange que tu ne sois pas faux quand tu parles…
Draco sourit à nouveau et refreina l’infâme élan
protecteur que le jeune homme en face de lui lui inspirait. "Mais je
fais quoi là au juste", songea-t-il subitement. Il ne fallait
pas oublier qu’ils se détestaient jusqu’à preuve
du contraire… Ils avaient passé toute leur scolarité à se
haïr, fournis une énergie monstre dans les coups bas les plus
invraisemblables, cherché les mots les plus blessants… Alors
quoi ? Que se passait-il ?
Harry décida quant à lui de ne pas se poser trop de questions.
Il n’avait plus la place dans son cœur pour mépriser qui
que ce soit, et cette chose qu’il ressentait lorsque Malefoy lui prêtait
son attention de cette manière… Il y avait trop longtemps qu’il
attendait d’apercevoir un sourire sincère pour se soucier du
fait que c’était celui de Draco. Il s’avérait juste
qu’il était la première personne à lui tendre
la main sans le prendre en pitié, il était le premier à avoir
cherché le regard de Harry pour le soutenir et non pas pour le fuir… Si
c’était Malefoy et bien dans le fond… Lui ou quelqu’un
d’autre qu’est-ce que ça changeait ? Tout ce qu’il
voulait c’était qu’on l’aide… S’il n’était
pas trop tard pour cela…
- Non Potter c’est vrai… Moi je ne sonne pas faux…
A suivre...